Exposition Osamu Tezuka au FIBD 2018, 01
Comme l’an dernier, je suis allée au FIBD, motivée par les retrouvailles avec des personnes très sympathiques (notamment de chez Kotoji, mais pas que), mais aussi par les expositions (Kamimura…). Après une bonne décennie de ventre mou, le FIBD redevient attractif sous l’impulsion de Stéphane Beaujean, nouveau président du festival, homme cultivé, de goût et audacieux. Il dépoussière ce grand rassemblement pour le bonheur de tous.
L’exposition consacrée à Osamu Tezuka est un événement en soi : plus de 200 originaux sont présentés, planches de mangas, illustrations et celluloïds.
Incontournable pour ce qu’il a apporté à la bande dessinée nippone et au monde de l’animation, les Japonais surnomment Osamu Tezuka : Manga no kamisama, « Le Dieu du Manga » [1]. Inventeur du manga moderne [2], il a produit environ 170 000 pages et il est le père de plusieurs héros emblématiques [3] devenus chers aux japonais.
Né en 1928, il connut la 2de guerre mondiale ce qui a conditionné une appétence pour des thématiques fortes qui vont imprégner ses productions : un solide engagement pour la paix et contre la guerre, le respect de la nature, de la vie et de toutes les créatures et un profond scepticisme envers la science et la civilisation. Les films avec acteurs (Chaplin…) et animés (Disney, Popeye…), les livres qu’il lit (dont les bandes dessinées américaines) l’influencent fortement.
Il suivit des études de médecine, dont il sortit diplômé, sans cesser de dessiner. Il devint rapidement professionnel, dans le circuit des mangas de prêt, puis les mangas sérialisés dans des magazines. Sa manière de raconter fit évoluer les récits destinés aux garçons et aux filles. Ils marqueront des générations de lecteurs et permettront l’émergence de mangakas tels que Gô Nagai, Shotaro Ishinomori, Ryoko Ikeda et tant d’autres. Osamu Tezuka va ainsi nourrir l’imaginaire de millions de japonais. Il tenta l’aventure de l’animation en fondant Mushi productions puis Tezuka Productions. L’adaptation pour le petit écran d’Astro le petit robot, en 1963, aura beaucoup de succès. Ses créations les plus célèbres (Astro, Léo et Saphir) ont été diffusées à la télévision française. Dans les deux domaines, Osamu Tezuka a mis en place des systèmes de productivité efficaces. Il s’aventurera aussi du côté de la bande dessinée adulte et plus marginale avec le magazine Com. Il adapta ses histoires à un lectorat plus âgé en réaction aux nouveaux manga qui paraissent créés parfois par d’anciens assistants, sous la bannière du gegika, ces mangas pour adultes où le sexe, la violence, les sujets de société, les tranches de vie sont traités dans un style plus réaliste, plus dur que les autres bandes dessinées.
Les histoires de Tezuka s’avèrent variées, intelligentes et touchantes, avec un trait qui s’adapte au ton ainsi qu’un travail de mise en page et de mise scène recherchée (cadrages audacieux, trouvailles graphiques pour signifier certaines situations, personnages récurrents d’une œuvre à une autre, rythme trépident…). Le Dieu du Manga n’aura de cesse de s’améliorer, affinant son trait, devenant plus mature dans ses thématiques, explorant les noirceurs et les recoins de l’âme humaine, tout en interrogeant la société de l’époque avec une continuelle envie de se renouveler. Longue carrière, avec plus de 500 œuvres papiers, sans compter toute la production animes, les illustrations, le développement de merchanding…
Tezuka était venu dans les années 80 au FIBD, pour découvrir la BD de chez nous et montrer son œuvre. Il nous quitte en 1989 à Tokyo.
Cette exposition est co-réalisée par Stéphane Beaujean et Xavier Guilbert, avec l’aide de Tezuka Production. Elle se concentre sur ses travaux entre 1950 et 1990. Les œuvres sont divisées par ordre chronologique et par thème. L’exposition se situe dans la salle un peu étroite et sombre qui a accueilli l’an dernier celle consacrée Kamimura.
Les planches, illustrations et celluloïds, sous verres, sont accompagnés de cartels à côté desquelles des panneaux touffus délivrent moult informations et les contextualisent par rapport à son époque. En regardant, les originaux, le travail de Tezuka et de ses assistants sautent aux yeux : outre des traits maitrisés, collage, retouche à la gouache blanche, pose de légères trames, scotch s’ajoutent à la feuille de papier. Dès le début, on sent l’amour du japonais pour Disney, les frères Fleisher… des personnages élastiques, hyper expressifs qui deviennent au fur et à mesure des décennies et du ton des récits plus réalistes. L’ensemble des pièces présentées a plutôt bien vieilli. Les planches demeurent magnifiques, propres et éloquentes, sans avoir besoin de comprendre la langue originelle.
Petite attraction : une planche anatomique d’Astro Boy dont on peut voir les composants et le cœur grâce à une lampe spéciale.
Par contre, lorsque j’y suis allée, pourtant le jeudi après midi, les lieux étaient bondés par les scolaires et leurs accompagnateurs. Les enfants, en les écoutant, ne connaissent pas Tezuka; c’est normal, ils n’ont pas connu Saphir, Léo ou Astro à la télé. De plus, ils s’en fichaient royal…
Grâce à sa boulimie de travail, sa remise en question perpétuelle, et ses nombreuses expérimentations, tout en cumulant succès et échecs dont il titre des enseignements, Osamu Tezuka est un artiste important qui aura plus que marqué son Art. Depuis 1971, une récompense à son nom est décernée tous les ans à un mangaka dont l’œuvre possède un scénario intéressant.
Jusqu’au 11 mars 2018 au musée d’Angoulême.
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