Vampires de papier nippons

Article originellement posté sur Umac.

Si les Japonais possèdent leurs propres créatures folkloriques apparentées à nos vampires occidentaux [1], ce sont ces derniers qui sont le plus traités dans leurs bandes dessinées. Revisitée avec plus ou moins de bonheur, du vampire sympathique au monstre le plus abject, une pléthore de titres est disponible depuis des années en version française et anglaise [2]. Voici une modeste sélection de quelques œuvres sanguinolentes :

Hellsing, de HIRANO Kohta
Complet en 10 tomes, disponible chez Dark Horse Manga et chez Tonkam.

Le récit débute en Angleterre.
Inconnue du grand public, la fondation secrète protestante Hellsing – rattachée à la couronne – emploie un Nosferatu presque invulnérable, Alucard, contre diverses goules, vampires et autres morts-vivants qui sèment la pagaille. Elle est dirigée par la descendante de Abraham Van Hellsing (oui, avec le nom orthographié ainsi), Integra. Alucard, personnage classieux, fascinant et non dénué d’un humour particulier, est un très vieux vampire masochiste dompté par la famille Hellsing qui prend plaisir à se faire déchiqueter avant de pulvériser ses opposants. Au fur et à mesure des missions musclées, Alucard, sa maitresse Integra, ainsi que Victoria Seras, une policière devenue vampire contre son gré, se trouvent confrontés au Vatican et à ses prêtes fanatiques appartenant à la division catholique Iscariote. À force de creuser les affaires obscures, ils tombent sur un groupe de nazis et approchent les origines du mythe de Vlad l’empaleur.
Hellsing est un manga où l’action la plus violente et sanguinolente se dispute à l’humour noir. On ressent les influences du cinéma bis, Hirano Kohta jouant avec la figure du vampire, des zombies et des nazis dans un joyeux cocktail détonnant. Les personnages charismatiques rivalisent de magnifiques poses assorties de tirades dithyrambiques. Le coup de crayon de l’auteur s’améliore très rapidement et offre de très belles planches. On accroche ou non.

Les lamentations de l’agneau, de TOUME Kei
Complet en 7 volumes aux éditions Akata/Delcourt, et chez Tokyopop.

Kazuna est un lycéen qui vit dans une famille d’accueil, des amis de son père depuis qu’ils ont été séparés suite à la mort de sa mère. Après un malaise en présence d’une camarade de classe – Yo – pour qui il éprouve des sentiments, Kazuna retourne voir la demeure familiale. Il découvre que sa grande sœur Chizuna est encore en vie, mais que son géniteur est décédé. Elle lui apprend qu’il est atteint d’une maladie orpheline qui se transmet de génération en génération et dont elle souffre également. Cette maladie provoque une forme d’anémie vicieuse et des répercussions psychologiques (pulsions suicidaires, envie d’égorger pour étancher son besoin d’hémoglobine…). Kazuna décide alors de quitter son foyer d’adoption pour vivre auprès de Chizuna. Pour lui, il n’y a plus d’avenir… Qui côtoierait un tueur en devenir ?
Sur un rythme lancinant, Toume Kei tisse des relations complexes et tendues entre les différents personnages. Elle explore leurs sentiments, leur souffrance et les expose avec justesse. Malgré le cadre lycéen, le propos est des plus matures. Le graphisme soigné et particulier sied aux ambiances mélancoliques de la série.

Vampires, de TEZUKA Osamu
Complet en 3 volumes, parus aux éditions Azuka

Ce récit se scinde en deux parties qui se répondent. Dans la première, Toppei quitte son village natal – où les habitants peuvent se muter en animal – pour la ville où il se fait embaucher dans les studios Mushi Production. Ce jeune homme possède des mœurs étranges (comme celle de collectionner les photos de poteaux électriques) qui intriguent ces collègues de bureau, ainsi que son employeur, Tezuka lui-même. Il découvre que Toppei se métamorphose en loup, et que les personnes douées de cette faculté de transformation sont nommées des vampires. Détenteur de son secret, Tezuka essaie d’en savoir plus. Par malchance, ils tomberont sur Rock, qui les fera chanter afin de commettre des méfaits et d’assouvir ses ambitions. Au fur et à mesure, Toppei, Tezuka et le jeune Chippei apprennent que les villageois, disséminés un peu partout, préparent une révolution : ils veulent être reconnus comme un peuple singulier à part entière. La seconde partie, inachevée, s’intéresse à un félin qui peut se métamorphoser en humain…
Vampires s’interroge sur la part démoniaque qui sommeille en nous, à la transformation physique et psychique. Des thèmes qui se retrouvent dans les vampires occidentaux, lorsqu’ils passent de créatures humaines repoussantes à un (ou plusieurs) familier (chauve-souris, loup…). Ces trois volumes n’ont pas de conclusion, le manga ayant été stoppé lors de sa parution au Japon.
Une curiosité qui montre que Tezuka Osamu avait l’art de broder des histoires en utilisant des éléments épars.

Vampire, de MARUO Suehiro
Complet en deux volumes, Le lézard noir.

Mori est un jeune collégien transformé en vampire par une vieille diseuse de bonne aventure qui vit sous le métro aérien tokyoïte. Surnommée la femme chameau, elle est devenue une créature suceuse de sang dans le Japon de l’après-guerre après avoir été tuée de manière abominable. Elle apprend au garçon comment maitriser ses nouvelles facultés, en échange, il lui ramène des nourrissons. Mori continue de fréquenter le collège, mais son comportement envers les autres élèves a changé. Sa soif de sang va en grandissant et le torture. Des visons l’assaillent. Un de ses camarades, Henmi, est fasciné par d’atroces crimes nocturnes. Ces cadavres de femmes mutilés le font fantasmer… tel le doigt coupé qu’il ramasse et avec lequel il se caresse le pénis. Luna, une élève, est quant à elle répugnée par les mœurs dévoyées et perverses de ses amies qui vendent leurs culottes aux hommes, et même leurs corps à de vieux lubriques. Un jour, elle se fait violer par un clown vicieux et développe un comportement étrange : elle devient fascinée par le mythe du vampire…
Maruo Suehiro, l’un des grands du manga underground, tisse les destins funestes de ces jeunes personnages qui se vautrent dans la luxure, la dépravation et le sadisme. Le vampire est montré sous son aspect le plus pervers où le sang et la sexualité se mêlent. L’auteur amène une réflexion sur la société et la place des humains marginaux dans celle-ci. Il questionne les changements qui s’opèrent lors de la puberté et le développement de pulsions liés à la dualité entre l’Éros et le Thanatos. L’horreur et le malsain suintent des pages, Maruo Suehiro n’hésite pas à pousser très loin les représentations dérangeantes. Les insectes remplissent les cases de leur présence grouillantes, les corps prennent des poses maniérées. Une douce nostalgie apparait dans la description faite de Tokyo.
Avec ces ambiances glauques dignes des plus grands films expressionnistes allemands, son graphisme écrasant de beauté macabre et une mise en scène recherchée, Vampire s’impose comme une bande dessinée atypique et passionnante. Cependant, ce chef-d’œuvre fascinant est à ne pas mettre entre toutes les mains.

[1] Avec, entre autres : Nukekubi, Rokurokubi, voir même Chat-vampire de Nabeshima !
[2] Liste non exhaustive (avec du bon et du moins bon) en français : Le baiser du sang, Black rose Alice, Blood +, Blood + A, Blood + Yakoujoshi, Blood alone, Blood Lad, Blood Parade, Blood – the last vampire, Bloody Cross, Bloody kiss, Crimson cross, Dark Crimson, Don Dracula, Dahlia le vampire, Dance in the vampire bund, Dance in the vampire bund 2 — Scarlet order, Dive in the Vampire Bund, Father’s vampire, Higanjima, Honey Blood, Karin — Chibi Vampire, Midnight Secretary, Nyanpire, Patissier & Vampire, Princess Nightmare, Princess Vampire Miyu, Pure blood boyfriend — He’s my only vampire, Rosario + Vampire, Sennen no yuki, Shi Ki, Strike the blood, Trinity Blood, Vampire (de TAKAHASHI Yuki), Vampire chronicles — La légende du roi déchu, Vampire Doll, Vampire Host, Vampire hunter D, Vampire knight, Vampire Queen Bee, Vassalord…






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