Le recueil Artistes, édité par le groupe Romans Francophones est sorti !

Il comporte 260 pages, disponible chez Lulu.com, avec de très nombreuses nouvelles, dans tous les genres, et beaucoup d’auteurs dont : Akiko Murita, Gernier, KirikaFD, Harue-YA, Koiutame, moi-même et bien d’autres…

Et en cadeau, un extrait de ma nouvelle, Des cordes sur mesures :

« Au centre de la salle transformée pour l’occasion, des citadins remplissaient graduellement l’espace de leurs fréquences vitales. Ils s’asseyaient sur des chaises grinçantes sous le regard aveugle des sculptures de Rodin qui descendaient le long des murs. Les battements de cœur, les respirations rauques, les gargouillis tissaient d’exquises symphonies organiques. De minuscules oscillations sonores ricochaient contre les délicates fleurs de pierre s’épanouissant dans les creux du plafond à caissons. Des colonnes de marbre dont les motifs rappelaient l’Antiquité rythmaient les parois. La foule se composait pour la grande majorité de personnes quadragénaires. Les femmes et les hommes étaient vêtus de façon similaire, leurs semelles dures crissaient sur le carrelage bicentenaire. Les dames portaient des tailleurs serrés, chemisiers, bijoux imposants et escarpins de luxe, assortis à un immense gouffre à bric-à-brac qu’était leur sac à main. Les messieurs s’habillaient avec des pantalons pincés de velours, chaussures de ville en cuir, et vestes cintrées. Impatients, les auditeurs se tenaient droits sur leur siège, échangeant des propos à voix quasi inaudibles sur le spectacle qui se profilait. Ils ne pouvaient s’empêcher d’émettre un pronostic, de confronter leurs acquis culturels. Une impressionnante porte en bois dont les représentations baroques se déployaient dans la lignine rigide interdisait l’accès à la clameur extérieure. Une bruine de brouhaha retombait dans l’immense salle de La Bourse de Bruxelles.

Une grande soirée s’annonçait avec un programme savoureux pour les oreilles. Ce menu de premier choix proposait des mets délicats pour le tympan : plusieurs courtes œuvres piochées dans le vaste répertoire de la musique Classique, interprétées par les sœurs Ukrainiennes Pwarsichnyk. L’une était pianiste, l’autre soliste.

Leur jeune carrière internationale avait débuté en majesté. Les critiques tombaient en pâmoison devant leur talent. Les plus hargneux des journalistes s’enthousiasmaient. Dans leurs articles, ils n’écrivaient plus que des éloges qui couvraient ces jeunes femmes de compliments plus scintillants que des rivières de diamants et des bijoux célestes. Ils couraient à chacun de leurs concerts, ne rataient aucune de leurs représentations victimes de cet enchantement sonore. Ils en devenaient fébriles, n’en dormaient plus les nuits. À leurs oreilles, plus aucun artiste ne pouvait les surpasser. Les critiques les plus virulents disparurent. Leurs rédacteurs en chef ignoraient s’ils avaient abandonné le métier, lassés.

Certaines personnes, jalouses, prétendaient que la voix de l’ainée, Helena, pouvait rendre fou n’importe quel individu. Elles expliquaient cette étrangeté par la composition des vibrations que ses cordes vocales pouvaient émettre : hauteur, justesse, harmonie parfaite restaient à jamais gravées dans les circonvolutions des cerveaux de leurs auditeurs. D’autres juraient que l’éclat de la voix de la jeune femme était artificiel. Peut-être avait-elle obtenu cette perfection grâce à une lourde chirurgie plastique ! »