Travailler en duo avec un scénariste ?
L’autre jour, j’ai eu une conversation assez intéressante avec une amie à propos du travail du scénariste, dans la bande dessinée en ce qui nous concerne, mais qui peut être étendu aux autres domaines. Dans un sens, certaines choses m’ont surprise parmi ces affirmations. Je suis peut être naïve pour ne pas les avoir vues comme cela, aussi je vais vous en faire part. Vous me donnerez votre avis.
Je lui parlais des projets de BD que je prépare actuellement avec divers scénaristes, en plus de mes projets propres. Chacun m’ont proposé des histoires auxquelles j’adhère, des univers avec qui j’ai envie de faire corps. Bizarrement, dans tous les cas, c’était des mondes de cauchemars plus ou moins glauques, et des personnages souffrant, autant physiquement que moralement.
Parallèlement à ces projets, j’ai refusé de travailler avec certains auteurs. Tout d’abord, parce que j’ai trop de projets sur le feu (le temps n’est hélas pas extensible), et que ceux-ci m’intéressaient moins. Il aurait fallu que ces projets me suggèrent des images, que j’aie envie de pénétrer l’univers, et que j’aie des choses à y apporter…
Il faut que cela me parle, tout simplement. Les sujets, les préoccupations m’intéressent, m’inspirent, me distraient : exit les girly powa, nunucheland, et autres trucs du genre… à moins qu’il s’y trouve des choses plus profondes derrières (par exemple, voyez le discours à propos des super-héros dans Empowered, qui met en situation une héroïne blonde mais ultra-cruche, dans une œuvre distrayante, mais pas dénuée d’intelligence…) Personnellement, j’ai un faible pour les mondes étranges.
Par contre, je refuse les scénarii où l’auteur me fait comprendre que je suis à sa botte, que je ne suis qu’une main, parce lui, c’est le Cerveau ! Si je ne peux rien apporter, je ne comprends pas l’intérêt de me choisir, moi plutôt qu’un ou une autre. Lorsqu’on choisi un auteur, c’est bien à cause de sa personnalité.
Pour en revenir à notre conversation, la première chose que m’a rappelée mon amie (que je sais pourtant, mais qui ne m’inquiète pas plus que ça dans le fond) : le partage du pourcentage des droits…
Oui, cette réflexion fait très terre à terre, mais lorsque l’on voit la répartition des diverses part prise sur la vente du livre, je peux comprendre ses inquiétudes. Plus il y a d’auteurs, plus la part d’amoindrie. Pourtant, et je dois être trop « gentille », je suis prête à partager pour une œuvre qui me plait : je ne mets pas l’argent comme première préoccupation, surtout dans le domaine artistique…
source : http://www.inaglobal.fr/
Le second point qui l’a fait tiquer tient au travail fourni. Selon elle, c’est le dessinateur qui travaille le plus : le scénariste n’a qu’à lire, relire et écrire jusqu’à ce que cela aille bien. Après, c’est le dessinateur qui se tape tout le reste du boulot. Il doit réfléchir pour la mise en scène et le dessin, encrer, tramer, mettre en couleurs…
À nouveau, je ne vois pas cela comme ça. Certes, écrire peut paraitre facile : tout le monde apprend à écrire et à lire à l’école, et comme le scénario n’est pas un roman, le scénariste ne s’embarrasse pas de magnifiques phrases ou de tournures complexes. Mais en contrepartie, il faut trouver des idées qui font mouche, une histoire intéressante, ainsi qu’un développement dynamique.
Autant écrire parait simple, autant dessiner peut paraitre compliqué, puisqu’il faut donner de la vie à des mots, de façon dynamique, et que le « bien dessiner » n’est, dans l’imaginaire collectif, pas réservé à tout le monde.
Aussi, je ne me vois pas comme une exécutante, tout comme je ne vois pas en le scénariste la personne qui fait seulement le lettrage des bulles (anecdote véridique que m’a rapportée le scénariste David Boriau) ! Je suis une personne qui investi un univers et qui lui apporte une matière… non que l’univers de base en manque, mais parce que je n’ai pas tout à fait le même point de vue. C’est une espèce de fusion de deux cerveaux. Un partage des tâches, en somme, mais qui s’entremêle étroitement.
J’écris et je dessine aussi des histoires personnelles. Dans ce cas, je passe énormément de temps à l’écriture, à la lecture et à la recherche pour rendre mon récit intéressant, le nourrir. Parfois, je sors tout d’une traite, comme ça – mais je pense qu’une certaine digestion, une mise en place intérieure c’est faite : un travail interne, plus qu’externe. Certains dessinateurs ne sont pas des bons scénaristes (et vice-versa) : ils n’ont pas d’idées, ou ne savent pas les formuler.
Peut être que certains n’ont envie de n’être que de simples exécutants (pas moi, hein)…
Si nous prenons un exemple cinématographique, un bon réalisateur n’est pas forcément un bon scénariste. Prenez Kubrick… il a écrit et réalisé seul Fear and Desire, qui n’est pas extraordinaire… et même renié. Par la suite, il s’est entouré de scénaristes/romanciers, et a alors pu sortir des chefs d’œuvres.
À nouveau, c’est une histoire d’union qui est à l’œuvre. L’aspect pécuniaire n’en est qu’une petite partie. D’un point de vue artistique, il faut mettre en œuvre une fusion de ce type… ceci est valide, autant d’un point de vue de scénariste à dessinateur, qu’entre deux dessinateurs ou un dessinateur et un coloriste.
Et vous, qu’en pensez vous ? Avoir le total contrôle sur une création ? L’aspect pécuniaire ? Construire quelque chose à deux ? Exécuter une tâche sans trop se poser de question ?
Question compliquée, qui dépend beaucoup de l’efficacité des deux camps. J’aurai tendance à dire que si le temps investi peut être le même (le scénariste devant constamment faire des ajustements tout au long de la création), c’est quand même le dessinateur qui morfle le plus physiquement. C’est malheureux que le rapport de force soit ainsi, notamment lorsque l’on se rend à l’évidence que sans un bon scénario, il est vain de faire une bd de qualité. Personnellement, je considère donc que c’est UN DEVOIR pour le scénariste de faire au moins un minimum de storyboard pour faciliter la tâche du dessinateur. Là, les rôles sont équitables ^^
Après il y a aussi une grande injustice, du fait que la promo, la figure de proue est souvent fait sur le dessinateur, le réalisateur qui crée l’oeuvre, oubliant totalement ce qui fait le squelette sans qui rien ne tient : le scénario. C’qui fait d’ailleurs fait la force des productions américaines, + qu’une quelconque histoire de budget. Forcément, c’est moins « visuel de parler du scénario…
Après personnellement en tant que scénariste, j’estime qu’il est indispensable que les deux parties travaillent en osmose. L’un peut (et doit) apporter des idées a l’autre partie. L’un n’est pas l’esclave de l’autre (comme des échos récents d’une amie dessinatrice qui se faisait maltraiter par son connard de scénariste). Il faut donc de toute façon que le scénariste se force a trouver des thématiques qui plaisent aussi àson dessinateur, mais aussi des fois que l’un dise nettement à l’autre NON, de la sorte ça ne peut pas marcher visuellement/scénaristiquement, c’est une oeuvre commune. L’exemple le plus probant pour moi reste le manga bakuman, où la relation est très bien expliquée!
Alors, je vais mettre mon grain de sel puisqu’on en parle. Au niveau uniquement pécunier, le scénariste touche un pourcentage bien inférieur à celui du dessinateur sur l’album (40% je crois mais les chiffres et moi….)
Ensuite si le scénariste est plus rapide que le dessinateur (je fais un peu les deux donc j’ai un bon aperçu des deux côtés de la barrière), il faut quand même construire l’histoire et faire vivre des personnages, rendre vivant tout cela.
Une bonne collaboration consiste à ce que chacun fasse des efforts, des concessions pour s’y retrouver dans l’histoire. On doit commencer le travail avec un squelette narratif avant de poser les bases (découpage – dialogues). Singulièrement, le découpage est probablement l’étape qui demande le plus de concentration.
Tant que le dessinateur n’a pas mis au propre sa planche, le scénario peut encore subir des retouches. En gros, les deux « camps » morflent mais d’une manière assez différentes et surtout le dialogue doit toujours être ouvert. Des desidératas du dessinateur peuvent faire partir l’histoire là ou l’on n’aurait pas pensé aller.
Enfin, si il veut en vivre, le scénariste doit mener 4 à 6 projets de front en même temps !! Ce qui implique une certaine forme de schizophrénie quand même……
Ce n’est pas un duel, loin de là, mais une somme pour aboutir à un meilleur projet que si l’on est un à sa table de dessin. Il est dommage que dans la BD franco-belge, le scénariste soit à ce point marginalisé (ou mal vu) tandis que sa plus value sur une oeuvre peut-être décisive.
Regardez juste un Civiello en roue libre qui confond bande-dessinée (donc narration !!) et illustration…..
Globalement je suis sur la même longueur d’onde que Didizuka ! Trois remarques :
1/ La reconnaissance du travail d’autrui
Scénarisation, dessin et colorisation ont chacun leur lot de liberté et de contrainte, entre autre un travail certain de documentation préalable, de réflexion et d’exécution. Sans parler de la refonte ou de l’inspiration tout simplement ! En revanche, ces différentes étapes de création ne font pas appel aux mêmes « compétences » ! Aussi, si l’on a, même temporairement, une carence sur l’une ou l’autre, mieux vaut reconnaître d’emblée la valeur du travail fourni par le collaborateur ; sans dévaloriser les siennes propres.
2/ L’aspect pécunier
J’ignore si un scénariste perçoit moins d’argent qu’un dessinateur pour une planche donnée, mais un coloriste oui. Quant aux droits d’auteurs (négociés si les ventes sont bonnes), les fameux 6-8% sont redivisés également. Il y a des variantes selon la maison d’édition aussi. Mais en conséquence de ce que j’ai dit plus haut, si un projet est indiscutablement mieux en collaboration, il est normal de diviser les parts. Par ailleurs, dans le cas d’un modèle économique numérique (pas encore au point en France apparemment mais déjà bien rôdé sur des plateformes comme steam), on est en droit d’espérer de bonnes retombées, quelle que soit la part du projet qu’on ait réalisée.
3/ L’idée du contrôle total pour un unique auteur-dessinateur
A mon humble avis, c’est une erreur. Même en réalisant toute la bd de A à Z, vous êtes, comme tout le monde, sujet à l’avis du public (et donc en premier lieu de votre éditeur, qui du fait de son expérience, saura évaluer l’adéquation entre le projet et les attentes de sa cible)…Et sujet au doute ! Sans aller vers le système japonais (où chaque chapitre d’une série en prépublication, est soumise aux votes des lecteurs et décident même jusqu’à la mort des protagonistes de l’histoire en lieu et place du scénariste), on sait tous que pas assez de vente = arrêt de la publication. En conclusion, quel que soit la situation de l’auteur, on n’est jamais seul, ni à créer, ni à décider.
En terme de qualité de réalisation, que l’on confie ou non son histoire à un dessinateur, que l’on « cède » la colo à un coloriste, collaboration ou travail en solo peut importe ! C’est d’avantage la question de l’échange entre les personnes qui est source d’équité (perçue ou réelle).
Je complète, la conversation en disant … C’est pour ça que j’ai tout arrêté X’D Mouhahahahaha !
Je sais rien de super constructif. 😀
Wahou ryo ! T’es super constructif !!! XD
(NB : y’a du no-xicien qui traine ici dites donc…)
J’aurai tendance a dire qu’un 50/50 scenariste/dessinateur n’existe pas (ou peu), le dessinateur a toujours tendance a toucher plus ; certes comme le dit torog, il « morfle plus », et meme si le scenariste fait le story-board, il est probable que le dessinateur y retouche pour ameliorer la lisibilité de certaines cases (selon sa comprehension et le niveau de dessin du scenariste evidemment), il me semble comme souligne saisei que vous avez tendance a omettre la phase apres le dessin en lui meme : c’est a dire colo ou tramage selon le type de BD ; qui represente (toujours selon les bd) 1/3 du travail. Donc meme si on est sur une base de 50/50 scenariste/dessinateur, si on rajoute la colo, on finit sur un ratio 50/50/50 (33,33/33,33/33,33 m’avez compris…) (meme si en vrai, le coloriste touche quand meme moins)
Et souvent, on tombe dans le cas ou le dessinateur est aussi le coloriste, et dans ces conditions, il est logique que le dessinateur touche plus que le scenariste.
Et meme en restant juste sur un ratio 50/50 sans tenir compte de la colo, le dessinateur touchera plus, tout simplement parce qu’il aura plus de frais materiel que le scenariste ! C’est con mais le matos de dessin, ca coute cher (et personne n’en parle !! >_< et aller pas me citer que certains dessinateurs font tout a la tablette, je sais, mais ils sont encore peu nombreux) ! On finit donc sur une base maximale de 40/60, comme dit par gernier plus haut…
Oui, je sais San Lee, j’ai été très constructive =p mais j’avais déjà tout dit ce que j’avais à dire 😉
Et oui, je faisais partie des gens qui faisait tout pas à la tablette, mais à la souris ! D’ailleurs ma wacom, je sais pas à quoi elle sert -_- »
Comme c’est un cadeau, je le laisse prendre de la poussière lol…
Eh oui, bienvenue dans le monde cruel du dessin 😉
[…] y a quelques temps, je m’étais fendue d’un billet sur la collaboration entre un dessinateur et un scénariste (que l’on pouvait étendre avec un coloriste, par exemple) et j’avais abordé, parmi […]