Shion: Blade of the Minstrel

Shion: Blade of the Minstrel
Scénario et dessin : Yu Kinutani
Traduction Gerard Jones
Éditeur : Viz
Type: bande dessinée
Genre: fantastique

Dans le fond d’un bac de BD de seconde main, sous une protection plastique translucide irisée en relief, se dissimulait un manga au graphisme séduisant et à l’édition soignée : Shion: Blade of the Minstrel, de Yu Kinutani. La jaquette fort abimée a terminé dans la poubelle, j’avoue, mais le livre, quoique corné, reste de bonne facture. La couverture souple s’orne d’un titre doré au fer et d’une illustration retravaillée en jaune et magenta. Le manga s’offre du papier calque sur la page de garde, une impression de qualité et son format approche de celui d’un comic.

En creusant internet pour glaner quelques renseignements sur ce livre, j’ai découvert qu’il était issu de la collection Spectrum Éditions de l’éditeur américain VIZ comics, avec Hotel Harbor View de Natsuo Sekikawa et Jirô Taniguchi et Saber Tiger de Yukinobu Hoshino.
Chaque BD comportait environ 80 pages et n’était qu’une sorte de mise en bouche.
À l’intérieur, Shion : Blade of the Minstrel apparait comme un manga dont le graphisme et la narration renvoient à une variété de travaux occidentaux dont Moebius, Druillet, Siudmak, Caza, Tim Vigil, Enrique Alcatena, Jim Cawthorn… en passant par Hayao Miyazaki et Katsuhiro Otomo. Les traits organiques remuent sur les planches, les hachures luxuriantes, les points grouillants. Les trames si chères à la production industrielle de la bande dessinée nippone sont absentes.

Deux récits composent ce recueil.
Le premier, The minstrel, comporte 16 pages et il narre, à la manière d’une fable ou d’un conte, la victoire d’un musicien itinérant sur le démon qui lui dérobé un œil. Personnage sans nom, sa halte dans une étonnante ville où le vin enivre quitte à en oublier sa gravité lui permet de retrouver la trace de la créature qu’il pourchasse. Le mangaka en profite pour brosser un univers hétéroclite et foisonnant. Le ménestrel sauve une demoiselle sacrifiée, récupère son globe oculaire et son père, qui a contracté un pacte démoniaque, perdant son âme.
16 planches auto-conclusives de poésie, d’amertume évoquant les vieilles historiettes où la science-fiction et la fantasy ne faisaient qu’un.

Le second chapitre, Mirrors, occupe 54 pages. Le troubadour découvre une étrange cité que Lovecraft n’aurait pas reniée, dans laquelle il est attaqué par des monstres ne sachant que répéter : Toy- Doll. Ces derniers sont manipulés par deux jumeaux sorciers, frère et sœur incestueux. Victime d’un tour de Toy, le ménestrel, pourtant épéiste doué, se métamorphose en une hideuse créature. Mais heureusement, le dieu Nazuru le visite en rêve et lui transmet un équipement complet pour affronter les chimères et les jumeaux, qu’il vaincra.

À mi-chemin, entre la fable obscure et le genre « épée et sorcellerie », Shion : Blade of the Minstrel raconte les aventures mélancoliques d’un ménestrel charismatique. Sa silhouette évoque D, le chasseur de vampire dessiné par Yoshitaka Amano.
Les récits demeurent à l’état d’ébauche, plus prompts à la déambulation et à l’atmosphère, que sur les événements. Les planches de Yu Kinutani synthétisent de multiples influences avec talents et rendent l’univers et son protagoniste principal des plus fascinants.
Shion : Blade of the Minstrel, œuvre de jeunesse de Yu Kinutani, montre de belles images, agréables à parcourir et offertes à la rêverie. Un monde ouvert à tous les possibles, où l’on peut décider de la suite des aventures de ce singulier ménestrel.







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