MIMA : art is comic

J’en avais tellement entendu parler de ce lieu singulier, le MIMA, qu’il fallait au moins que j’y aille. L’exposition Art is comic fut l’occasion idéale. De la BD dans un musée, autre qu’un endroit consacré, j’étais curieuse ! Un coup de tête, le tramway et me voilà devant le bâtiment après avoir traversé un chantier bien détrempé…

Le MIMA (Millennium Iconoclast Museum of Art) a ouvert ses portes en 2016, le long du canal à Molenbeek-Saint-Jean, l’une des communes qui compose Bruxelles-Capitale. Situé dans un bâtiment de l’ancienne brasserie Belle-Vue, on ne peut pas le manquer : le lieu jure avec les alentours en travaux, vieillots et assez peu entretenus.

Le MIMA se veut « un musée d’art actuel, unique en Europe, qui propose au public de parcourir une histoire de la culture 2.0 », c’est à dire, une production artistique « qui a émergé à l’ère d’Internet et a brisé les codes traditionnels de l’art contemporain pour explorer de nouveaux univers et établir des rapports différents avec le public ».

Le concept de ce musée d’art contemporain est fourre-tout : « un mélange de cultures musicales (punk rock, electro, hip-hop, folk), graphiques (graphisme, illustration, design), sportives (skateboard, surf, sport extrême), artistiques (cinéma, art plastique, performance, BD, tatouage, stylisme), urbaines (graffiti, street art) et geek. Concrètement, le musée présentera des artistes qui, par le simple fait de ne pas s’exprimer uniquement dans la communauté de l’art contemporain, reflètent une nouvelle pensée. »

C’est amusant, car ce concept n’est pas révolutionnaire. L’art contemporain se cherche un nouveau souffle depuis les années 2000 et l’absorption des cultures populaires en fait partie. D’ailleurs, je vous renvoie vers le livre L’imposture de l’art contemporain — une utopie financière, d’Aude de Kerros, qui retrace l’évolution de cette métamorphose et de ce recyclage.

Le musée propose une collection permanente (absente lors de l’expo Art is comic !!) et des accrochages temporaires. J’ai trouvé le lieu assez petit ; par contre pour se restaurer, il y avait de la place !

L’accueil a été cordial, mais j’ai bien ressenti que ma présence dérangeait l’employé de caisse : je n’étais pas vêtue comme la majorité des visiteurs (pour faire dans le cliché : bobo/hipster et autres pulls en laine tricotés, pantalons sans un pli, peaux blanches et enfants blondins… mais pas de bombers, sauf moi). Je pensais que le musée invitait tout le monde à venir se cultiver, lui qui se trouve dans une commune au passif lourd…

Et alors, l’exposition phare de cette fin d’année ?


Sous le signe de l’humour, les travaux issus de la BD alternative de HuskMitNavn, Jean Jullien, Joan Cornellà, Brecht Vandenbroucke et Mon Colonel Spit ornent plusieurs étages : des planches, des objets, des vidéos. L’ensemble fait échos à des pratiques similaires de réutilisation d’arts populaires, des médias et de la publicité, tels Andy Warhol et Roy Liechtenstein.

Point commun de ces créateurs : leur nombre impressionnant d’abonnées sur la toile, chiffres et comparaison à l’appui.

À l’entrée, des cadres numériques diffusent des œuvres des différents artistes présent, rappel que leurs images sont d’abord vues, appréciées et partagées sur internet. Plus loin, les personnages de HuskMitNavn [1] peints sur les murs se cachent, fuient et montrent quelque chose . À l’étage, les sculptures, dessins et céramiques de Mon Colonel & Spit [2] vomissent les références aux cultures populaires, avec des portraits de Mister T, Grasse Jones, Corée Hartt… S’ensuit une partie qui semble empruntée du FIBD tant elle dénote. Le bédéiste Brecht Evens nous permet d’ausculter les originaux de sa future parution The City of Belgium. On prend ainsi conscience qu’entre un dessin sur papier et sa reproduction dans un livre, la perte est importante : impossible de retrouver les mêmes sensations, les mêmes textures…

Brecht Vandenbroucke [3], un Belge, joue la carte de l’humour contestataire facile, daté et déjà vu, n’apportant rien de neuf aux dénonciations de la société de consommation. Que ce soit les exactions policières, la domination de Facebook (à qui il doit aussi sa popularité… on n’est pas à un paradoxe près). Second étage, le retour des figures d’HuskMitNavn, victimes d’une invasion extra-terrestre.

Ensuite, devant une baie de miroirs, point de dessins, mais des sculptures de personnages de Jean Jullien [4]. C’est tout.

Au dernier étage, interdit aux enfants, Joàn Cornellà [5] expose des planches au graphisme épuré d’humour noir, gores et absurdes, à la manière des animations Happy Tree Friends. Les situations se concentrent sur la brutalité du monde du travail, la superficialité des réseaux sociaux ou l’hypocrisie de notre société. Ses personnages, même dans les moments les plus terribles, conservent leur sourire.
Au centre de la pièce, une petite salle où était projetée une vidéo que je n’ai pas regardée : trop de monde ! Par contre, j’ai repéré le pendu par la fenêtre, ce qui m’a plus plus amusé !

J’étais perplexe en sortant de cette trop courte exposition : est-ce parce que j’ai lu quantité de BD, que je bosse dans le milieu et que je fréquente le FIBD (et l’époque du OFF) ? Tout cela m’a laissé de marbre, je n’ai pas vu de quoi me damner que ce soit par les thèmes abordés, les manières de procéder, l’appropriation des figures de la Pop Culture. Pas assez de travaux pour chaque artiste, un ensemble survolé… et aucune conclusion sur leur choix et cette mise en avant de leur quantité de « suiveurs » sur la toile : corrélation, aspect économique, pression créatrice…

Histoire de goût et de couleurs, n’est-ce pas ? Les goûts, surtout celui que l’on nomme le « bon goût » est une construction sociale,  de marqueur de classe. Il est compliqué à expliciter, justifier. Mais j’ai tout de même une impression légère d’entourloupe…

Plus d’infos

MIMA —Quai du Hainaut, 33 – 1080 Bruxelles
http://www.mimamuseum.eu/

[1] « Souviens-toi de mon nom » en danois. Il est né en 1975 et basé à Copenhague.
[2] Nom d’un duoo d’artistes nés dans les années 70 : Eric Bassleer et Thomas Stiernon.
[3] Né en 1986.
[4] Un illustrateur et dessinateur français, qui vit à Londres, né le 14 mars 1983 à Cholet en France.
[5] Joan Cornellá Vázquez est un artiste et illustrateur espagnol, né à Barcelone le 11 janvier 1981.






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