Le cas du Yaoï

Je lis avec délectation le blog des 400 culs, tenu par Agnès Giard :  très intéressant et complet, bien documenté, des articles qui donnent à réfléchir et qui (re)mettent en place des idées liées à notre sexualité. Et pour moi, une formidable source d’inspirations sur les mœurs des humains…
Il est rare que je prenne le temps d’écrire un commentaire, mais je n’ai pas pu m’empêcher de réagir sur l’article concernant le Yaoi.

Je vous mets ci-dessous le commentaire que je lui ai laissée.

Bronze (détail d'une couverture), Minami Ozaki

« Je suis avec attention ce blog et j’en profite pour réagir sur cet article concernant un genre de manga que j’aime beaucoup. (pour une fois, je trouve votre article pas assez développé, … mais il n’est pas pire que celui de Télérama : une honte, un papier pour faire vendre, du racolage !) Je lis du Yaoï et j’en dessine à l’occasion (dans des fanzines tels Romance Yaoï, Sorbet Citron…). Je vais vous expliquer ma vision de la chose, pourquoi j’apprécie certaines de ces œuvres.
Comme partout, dans le yaoï, il y a du bon et du moins bon. Je ne fantasme pas sur la vision de deux hommes de chair qui s’embrassent, ni sur ceux de papier ; pour moi, ces personnages incarnent des idées, des concepts présents dans notre société.

Tout d’abord, le Yaoï n’est pas l’équivalent des fantasmes lesbiens des hommes, il va bien au delà. Dans le cas du fantasme lesbien, deux femmes qui se font l’amour sont remises à leur place par l’intervention d’un mâle qui leur prouve que sans hommes, elles ne peuvent pas connaitre le vrai plaisir ; rien ne peut remplacer la toute puissance du sexe masculin.
Dans le Yaoï, les femmes n’interviennent pas pour remettre l’homme à sa place. Dans le meilleur des cas, elles sont complices et aident les personnages masculins, un des protagonistes tout du moins. Sinon, elles sont complètement absentes, ou servent de « pots de fleurs » XD.
Le yaoï met donc en scène au minimum deux hommes, qui, le plus souvent se distinguent par un dominant et un dominé. Le dominant représente l’idée de ce que doit être un homme, et le dominé a les caractéristiques comportementales généralement attribuées aux femmes, la queue entre les jambes en plus. L’homme viril (macho et homophobe dans certains cas) et l’homme sensible (la chouignasse qu’on a envie de secouer ou de torturer) forment un duo montrant les travers et les clichés de nos éducations. Mettre deux hommes permet de confronter sur un pied d’égalité deux êtres dans nos sociétés misogynes, qu’elles soient Française ou Japonaise.
Un homme qui pleure rassure la lectrice (oui, les hommes sensibles existent) et permet l’identification de ce que l’on considère comme le sexe faible (dans la plupart des cas). Pour lui, le dilemme est : Comment trouver ma place quand je suis faible dans une société où l’homme se doit d’être fort ?

En France ou au Japon, la femme n’est pas l’égale de l’homme et on nous le fait comprendre tous les jours (pubs, télé et magazines), parfois même lorsque l’on se fait draguer, ou encore par certaines de nos actions : il est normal qu’un homme ne veuille pas d’enfants, couche à droite et à gauche, et préfère sa carrière à une famille, mais pour la femme, c’est inconcevable !
Des gays comme des hétéros lisent du Yaoï (j’en connais) et ils ne sont pas choqué de voir des hommes se faire des bisous ou pleurer (je les ai questionné sur leurs opinons). Ils sont même plutôt ravis, car enfin, on peut voir des hommes délicats, sentimentaux, des hommes qui ont envie de faire la popote, d’attendre sagement à la maison, ou de s’occuper des enfants… plutôt que d’être en compétition permanente dans le boulot, de regarder le foot ou que sais-je… il ne faut pas oublier non plus que les médias véhiculent l’idée que les hommes doivent être performants, compétitifs, virils… et qu’ils n’ont pas de faiblesses (ou si peu).
Le fait de mettre un homme à la place d’une femme est le meilleur moyen de montrer le ridicule de certaines situations dans lesquelles vivent ces dernières… dans le même ordre d’idée, prenez le clip J’Aime Trop Ton Boule de Fatal bazooka où, en mettant des hommes là où l’on attendrait des femmes (lors de danses plus ou moins lascives et putassières) il fait ressortir la bêtise du cliché.

Pour ma part, le yaoï c’est ça : une critique de notre société, qui couvre un maximum de genres, un défouloir où les hommes sont rabaissés à notre niveau de femmes, où ils subissent ce que nous subissons, mais qui peuvent en toute légitimité être des héros d’aventures… Actuellement, lorsqu’une femme est une aventurière dans des contrées dangereuses, là où l’homme portera un pantalon et des vêtements qui lui permettront de se protéger des dangers (et de ranger ses quantités de gadgets), la demoiselle portera dix tonnes de maquillage, et de minuscules carrées de tissus, tout en prenant des poses et des attitudes codifiés par les hommes… Regardez Lara Croft, dans le jeu vidéo : deux flingues et un mini short, si elle se prend un mur, elle gémît, si elle ramasse un médic pack, elle jouit… XD
Lorsqu’une femme tient la place d’un « homme », en dirigeant une société comme dans le film La Proposition, lorsqu’elle tombe amoureuse, elle reprend son statut de « femme », destinée à retourner au foyer. Un bel exemple que l’égalité n’est toujours pas acquise dans nos mœurs.
Heureusement, il existe des contre-exemples comme Ellen Ripley dans Alien.

Le Yaoï est donc une catharsis, un défouloir mental qui permet le temps d’une aventure entre deux hommes de se projeter dans l’un ou dans l’autre et de se rassurer en se disant que les hommes aussi peuvent pleurer et être sensibles.
J’en ai aussi raz le bol de voir des femmes attendre le prince charmant, enfermées dans une tour ; j’ai envie que les femmes partent à l’aventures et si pour l’instant, le moyen trouvé est le yaoï, alors pourquoi s’en priver ? (historiquement, les femmes ont d’abord été obligées de se travestir pour pouvoir faire la même chose que les hommes : botanistes, pirates, scientifiques…)
Il y a bien eu des tentatives comme l’excellent Utena, La Fillette Révolutionnaire que je vous conseille, où une femme endosse le rôle du chevalier, mais cet animé est hélas resté assez hermétique par sa forme et sa manière d’aborder différentes idées à beaucoup de monde. »







Un commentaire pour “Le cas du Yaoï”

  1. Bien que cet article soit bien écrit, je ne suis pas fan de yaoi… Non, je n’aime tjs pas =p

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