Apocalypse Manga

Apocalypse Manga
Auteur: PIGOT Pierre
Éditeur : PUF
Type: Essai

Malgré la présence du mot manga dans le titre, ce livre mélange allégrement animation et bande dessinée en provenance du pays du soleil levant.

Le Japon, pays coincé entre deux plaques tectoniques, offre depuis des centaines d’années des représentations de destructions par les séismes, les volcans, les tsunamis. Avec son entrée dans la modernité et les guerres mondiales, ce qui était de l’ordre du naturel devient un véritable cauchemar industriel provocant des traumatismes.
L’apocalypse — image récurrente de la pop culture japonaise depuis Hiroshima et Nagasaki — est stylisée, détournée, questionnée, parodiée dans diverses œuvres, voire dépassée.

Par le choix des auteurs et de leurs productions, Pierre Pigot s’attarde sur la folie meurtrière des hommes, de la disparation de notre espèce jusqu’à sa renaissance, en passant par l’espoir d’un autre monde (sur Terre comme dans l’espace).

Le livre débute avec les adaptations animées d’un manga de Leiji Matsumoto, the cockpit, pour discourir sur les horreurs de la guerre du Pacifique, puis dérive vers Gen d’Hiroshima de Keiji Nakazawa, pour nous parler de la décomposition des corps, de la stigmatisation des survivants. Il questionne Akira, l’œuvre la plus connue et célébrée dans nos contrées, de Katsuhiro Otomo, une bande dessinée plus esthétique que réellement interrogative sur ce motif, pour se diriger vers les travaux principalement filmiques de Hayao Miyazaki. Nausicaa est à peine évoqué alors que ce manga pousse très loin les réflexions du célèbre réalisateur. Il poursuit avec Shotaro Ishinomori et le voyagede Ryu mis en parallèle avec l’école emportée de Kazuo Umezu en parlant de l’avenir où l’être humain a muté, son environnement disparut… puis il conclut avec One Piece, une saga d’aventures porteuse d’espoir…
Bien écrit, cet ouvrage particulier nous fait partager l’expérience de lecteur et de spectateur de Pierre Pigot : des impressions, des liens entre diverses idées, parfois utilisant des notions qui ne sont pas familiers à tous. Certaines de ces considérations sont très juste. Mais aucune illustration ne ponctue le texte et il est conseillé d’avoir aux moins un peu lus et regardés les œuvres mentionnées pour que cela soit plus limpide.

Ce livre n’est, hélas, pas exempt de défauts. Sous une prétention à nous proposer une analyse des manga selon l’angle de l’Apocalypse, de la destruction au renouveau, on regrettera un corpus d’œuvres maigres [1]: absence d’Hokuto No ken, de Tetsuo Hara et Buronson, série qui raconte la survie des humains dans un monde sans foi ni loi où les valeurs morales sont exacerbées sous une couche de violence inouïe. Publié à la même époque qu’Akira, Hokuto no Ken offre une vision, une lecture différente d’un avenir possible. L’absence d’X de Clamp, manga dont le protagoniste principal se retrouve en face d’un choix cornélien dont dépend le visage que prendra l’apocalypse, ne permet pas d’aborder cet instant fugace où tout bascule, si cher aux Nippons [2]. Dans les années 90 et 2000, les shōjo manga de Yumi Tamura, tels Basara et 7 seed présentent des futurs après une terrible catastrophe. Basara raconte les luttes de diverses peuplades dans un Japon revenu à la féodalité, mais d’une manière moins pulp et caricaturale que Hokuto No Ken. Différents aspects, comme la politique, sont mis en avant. 7seed narre la survie de plusieurs groupes de personnes qui se réveillent plusieurs années après un cataclysme. Endormies en même temps, elles n’ouvrent pas les yeux au même moment. Des couples peuvent ainsi avoir 10 ans qui les séparent dans un le monde hostile. Rien que ces quelques titres auraient étoffé la réflexion engagée par Pierre Pigot.
L’absence de glossaire pour des mots tels que gesamtkunstwerk, schaukraft, mais aussi des index des œuvres, des auteurs et des sources citées enlèvent une part de crédibilité au travail effectué. Quid des sources qui ne sont pas précisées ? À plusieurs reprises, des informations paraissent sorties de nulle part [3].
Le livre en lui-même est onéreux : une couverture très souple, une reliure médiocre, un papier trop blanc… Un ouvrage qui s’abime très facilement.

Avec un peu plus de rigueur, une envie d’explorer d’autres œuvres afin de mieux cerner la pluralité des approches offertes par les Nippons, ce livre aurait pu devenir une référence. Il n’en reste qu’une curiosité à étoffer soi même.
Je vous conseille de lire en parallèle le hors série Japon extrême d’Animeland, sortie en mars avril 2008 qui possède quelques pages sur l’apocalypse.

[1]Apocalypse manga, p.13 : « Et c’est pourquoi il ne faudra pas chercher ici une quelconque exhaustivité : rassembler toutes les œuvres apocalyptiques ne nous assurerait pas plus d’attendre le cœur de notre problème ».
[2]Pour comprendre, une analogie : le Hanami, période des cerisiers en fleurs, ces fleurs si fragiles que les japonais admirent. Elles restent peu de temps, puis tombent. Cet instant, juste avant le basculement…
[3]En fait, certaines semblent provenir d’Animeland, mais ce n’est pas indiqué comme si cela était dévalorisant… ? !






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