Neonomicon Dessin : BURROWS Jacen Scénario : MOORE Alano Éditeur VF :  Urban comics Type: + 16 ans Genre: Fantastique / Esotérisme,Horreur À résumer, cette histoire peut paraître des plus banales : un flic en planque dans un immeuble miteux de Brooklyn inventeur d’une méthode d’analyse, enquête sur des crimes sordides. Des cadavres décapités et mains tranchés ont été retrouvés dans tout le pays ainsi qu’une foule de coupables n’ayant aucun rapport les uns avec les autres – à première vue. L’agent fédéral Aldo Sax, curieux, faisant bien son boulot de policier, devient lui aussi un de ces assassins suite à sa visite dans un club underground mal famé : le club Zothique. Ce sont deux agents, Gordon Lamper et Merril Brears qui débarquent à leur tour sur les lieux alors qu’il croupit dans un asile qui vont découvrir l’effroyable vérité. Ils vont remonter la piste macabre jusqu’à la ville côtière de Salem et découvrir une secte d’adorateurs de Dagon.

Neonomicon est une adaptation-hommage d’Alan Moore à l’univers de l’écrivain HP Lovecraft et du cercle d’écrivains qui ont poursuivi l’écriture de son univers.
Le titre fait référence au Nécronomicon, livre fictif en peau humaine qu’il a créé. C’est un ouvrage qui contiendrait de nombreuses révélations sur le mythe des Grands Anciens dont le célèbre Cthulhu.
Alan Moore extrapole d’après une de ces nouvelles : le Cauchemar d’Innsmouth mais il situe son intrigue dans le monde actuel. Il en profite pour brasser, pointer du doigt de nombreux clichés de nos sociétés : les hippies, les sectes, le monde de l’underground… et y insérer ces thèmes préférés : la magie, l’horreur, le fantastique et la drogue. Le récit brasse aussi des idées chers au romancier comme la fragilité et l’insignifiance humaine devant les Grands Anciens.

Alan Moore imagine que les créatures pour venir sur Terre utilisent Lovecraft comme une sorte de prophète asexué (n’ayant aucunement l’envie de copuler… fait véridique) écrivant les mythes qui vont se propager par le biais d’autres écrivains puis d’une secte où les fornications bestiales existent (ce sont les fameux adorateurs de Dagon) jusqu’à trouver une femme qui puisse porter le germe d’un nouveau futur !
Aldo Sax, chercheur de choses étrange, devient à cause de ses délires un nouvel Avatar de l’écrivain.

Lovecraft écrivait des textes cryptiques où les créatures sont esquissées en quelques mots. Ils se prêtent bien à l’interprétation tout comme les textes sacrés des religions. Il est donc facile de comprendre la fascination qu’il a exercé sur plusieurs personnes et la formation une quasi religion occulte dont il est le prophète.

Dans ce sens, Alan Moore recycle bien tout ça. On lit d’une traite et on se demande où il a voulu en venir. Je pense que Lovercaft comme toutes les autres références qu’il cite n’est qu’un des prétextes. Prétextes à quoi ? À nous rappeler que l’humain ne sera pas éternel sur cette planète et qu’on jour, une autre espèce prendra notre place en haut de la pyramide ? Et que cela a peut-être déjà commencé… d’où la drogue, moyen pour voir au-delà…

Je n’ai pas assez lu de récits de Lovecraft pour savoir si le Neonomicon « adapte » parfaitement son univers, mais Alan Moore nous propose le renouveau de l’humanité, même si celui-ci peu nous paraître monstrueux.

On ne peut s’empêcher de penser à tous les mythes liés à la création de l’univers et de l’être humain (élu/naissance d’un fils de dieu…).

Par contre, le dessin n’est pas assez délirant, ni virtuose pour nous entraîner dans la folie. La mise en couleur reste assez froide. C’est bien mené, ça se lit sans problème, il n’y a pas de soucis de découpage, mais sans plus. Andreas, avec Cromwell Stone (une très bonne adaptation de Lovecraft en BD), allait beaucoup loin et offrait vraiment le délire que l’on retrouve dans certains textes de l’écrivain ! Le talent de Jacen  réside à poser une atmosphère froide et lourde par le biais des couleurs et des plans serrés. Il n’y a pas de scènes ultras gores, ni d’orgies réellement visibles. Tout est suggéré.

Cette bande dessinée ne laisse pas indifférente. Un sentiment de rejet pour certaines personnes, une trahison de Lovecraft pour d’autres, un bon récit mêlant diverses influences et qui pose une critique de la société… Un livre court, dense, à lire.