Tutoriel : Discussion autour d’une illustration : île Caldeira

Voici un sujet assez particulier, puisqu’ici, point de tutoriel pour vous apprendre à peindre « à la façon de », mais plutôt quelques réflexions autour de la réalisation de cette illustration. Vous allez vous rendre compte que ça peut être intéressant de prendre du recul sur un dessin, surtout lorsqu’il y a eu pas mal de tâtonnements !
« Ha bon ?  Pourquoi ? T’as pas fais ça les deux doigts dans le nez ? »
Non non, pas pratique ça… Le stylet dans le nez, à la rigueur…

Il s’agit d’une illustration commencée en juin 2009 et finie en novembre de la même année. Je n’y ai pas travaillée chaque jour.

Ce dessin est à la base une demande du Studio Caldeira, qui publie le fanzine Bad trip, pour servir d’image d’accueil à leur site web. En cela, je les remercie pour leur confiance.

L’île Caldeira représente l’arrivée des visiteurs sur l’archipel Caldeira. Les visiteurs, c’est nous, et l’archipel, le site internet où l’on retrouve des galeries, des tutoriels, etc.

J’y ai passé plus de 6 mois, non pas sans heurts. C’est à dire, étant donné que je n’avais jamais vu les membres de leur équipe en chair et en os, discuter via MSN et un forum, pour un dessin de cette importance, ça n’a pas été facile !

Il faut ajouter le fait que j’ai oublié certaines choses qu’ils m’avaient dit entre temps (parfois, ça arrive…), et aussi, il y a parfois eu des accros et des cafouillages, mais sans grossièretés !

Pour débuter le dessin, j’avais récupéré les vues de l’archipel produite par les différents membres de l’équipe, et je commençais à gribouiller directement sur Photoshop, comme ça, au grès de mon inspiration. Une mer, un ciel, des îles, le tout vu non pas de dessus, mais raz de l’eau, pour que l’on ait l’impression de se trouver à bords du bateau, ou tout du moins, de l’engin qui nous emmène sur l’île.

Les premières propositions ont été rejetées. Je n’avais pas su comprendre le cahier des charges suivant :

– L’accueil d’un site c’est en quelque sorte sa porte d’entrée, sa publicité son emballage qui va pousser le consommateur ou l’internaute à acheter, à déguster…
– Il doit refléter ce que le site contient au niveau matériel mais aussi au niveau idéologique et donner un avant goût de ce qu’il propose, de ce qu’il est et de ce qu’il contient.

Caldeira et son site c’est plusieurs choses :
– C’est la découverte, l’aventure au travers des nombreux lieux comme le village, de l’ile.
– C’est la bonne humeur d’un groupe de dessinateurs passionnés, c’est l’humour et le sourire qu’on retrouve au travers de son ambiance, son style et ses couleurs, soit le lagon des plages et du beau temps.
– C’est un studio de gens qui savent ce qu’ils font, et aussi la technologie et la modernité, d’où le building. Il y a le coté professionnel voir commercial (même s’il a plutôt une tendance anti-capitaliste).

– C’est le partage et l’accessibilité d’où le village (genre groupe) mais aussi le forum le site et l’embarcadère signe d’ouverture.

Certaines des raisons qu’ils me donnèrent étaient les suivantes :

Tout d’abord l’ambiance ne les satisfaisait pas. Les premiers croquis montraient, à leur sens, une mer agitée et un ciel couvert. Il y avait alors la perte du coté jovial et convivial du site.

Ensuite, suite à mes prises de vue au raz de la mer, on arrive certes sur l’île, mais on n’en voit qu’un petit bout couvert de végétation, ce qui peut faire penser qu’elle est déserte. Or, c’est l’île qui est le plus important, lieu de rencontres… L’internaute peut même penser qu’elle est hostile. De plus, il peut aussi se demander ce qu’il y a d’intéressant sur cette ile (en vaut-elle vraiment la peine ?).
D’après eux, donc, le dessin est figé, on manque de dynamisme, l’accueil c’est l’arrivée dans la bonne humeur il faut du mouvement et ce mouvement doit aller vers ce qu’il y a de plus important le centre du dessin, soit l’ile.

Du coup il manque sur l’image les éléments importants qui caractérisent le site et le studio, soit son building, le village et l’embarcadère. Ce dernier est là où le bateau doit arriver. Aussi, après leur critiques, me proposèrent-ils plusieurs angles pour reprendre mon dessin.
– Il faut entrer dans le lagon là où l’eau est limpide et claire. Avec les plages et un grand soleil et un ciel bleu qui dit :  » là vous êtes dans un endroit cool !  »
– L’ile doit prendre le centre de l’image et l’élément dirige l’œil vers celle ci.
– Ils m’encouragent à développer l’idée du bateau, en me proposant une impression de vitesse. Le bateau se dirige vers l’ile à toute vitesse, on a hâte d’arriver. Il y a l’impression de vitesse avec un floutage et un étirement latéral qui met en avant le centre de l’image avec l’ile.
Car dans leur inconscient cette île, c’est Manhattan, c’est ce monde qui donne sur la mer et qui la domine par son architecture.

Que faire suite à ce genre de commentaires ? Sur le coup, quand on a bossé comme une malade, ça vexe à mort. Je n’avais pas le recul nécessaire. Alors, je l’ai mise de côté pendant plusieurs jours. Et puis, je l’ai ressortie de derrière les fagots et là, effectivement, ce qu’ils m’ont dit m’a semblé juste.

J’ai changé la couleur du ciel et surtout, surtout, j’ai réalisé une phase de recherches de références, personnelles et celles que les membres du studio m’ont passées : et ces études ont sauvées mon boulot ! J’ai pu rendre plus crédible et réaliste certains petits détails qui, mine de rien, rendent crédible une image à l’œil du visiteur. C’est là où il faut penser que les gens ne sont pas dans notre tête, ils ne nous connaissent même pas, pour la plupart. Aussi, il faut que le travail leur parle directement sans qu’il ait trop à se creuser les méninges, sinon ils zappent. Trouver un compromis entre l’identité du site, son style et ce que l’on souhaite exprimer et un simplicité de lecture. Je conçois que cela peut être parfois frustrant. Les aléas de la commande…

Puis un autre commentaire fut posté sur le forum, par un gars qui ne s’était pas manifesté depuis le début (genre, celui qui aime faire c****) :

« Je vois pas pourquoi un caldeirien peut débarquer comme ça avec son travail « hop voilà ce que j’ai fait » après quelques mois et en ignorant la moitié des consignes et qu’on puisse pas manifester et sa surprise et son mécontentement (en plus manifestement tout le monde s’était mis d’accord sur la chose) et là encore je préfère me répéter : si elle avait des difficultés, si elle sentait pas trop ce qu’on attendait d’elle ou si elle préférait suivre une autre variante, du moment qu’elle se justifie je vois rien à redire là dessus, si ce n’est qu’on a notre avis à donner. »

A quoi je relisais tous les commentaires, et avouais avoir un peu oublié un sujet de la commande : la vue subjective à la première personne. J’ai essayé de bouger le dessin pour retrouver cette subjectivité, tout en les prévenant avoir peur que ça ne marche pas très bien.

Par contre,  je leur précisais tout de même qu’en ce qui concerne les consignes, dès le début ce n’était pas très clair. On ne passe pas tout son temps bénévolement là-dessus, car on fait des études et on travaille à côté. Et quand on dessine, même si j’ai pris du plaisir à réaliser cette commande, on ne dessine pas uniquement que cette illustration, et le dessin lui même n’est de toute façon pas fait en 30″ ; je veux bien faire un effort et changer encore et encore pour votre bon plaisir, mais il ne faut pas abuser. Ce forum flood vite aussi, il faut des consignes claires dès le début, pour que ça ne se transforme pas rapidement en système anarchique.

Je leur ai posté les deux dernières versions du dessin, en leur précisant que le bateau pouvait encore bouger. J’ai posté avec une dernière question : si on met la vue subjective, il se peut que le bateau efface une partie des îles; est ce grave ou non ?

Cela dit, j’avais une petite idée qui pouvait concilier nos différents points de vue en minimisant le travail : en conservant tel quel le point de vue de l’image (sans rien toucher du tout à la version) que pensaient-ils de faire comme ci la caméra était embarquée sur le dos d’un volatile avec une impression de vitesse au premier dans le coin droit.

Le dessin a finalement été accepté sous cette forme :

A froid, je me suis rendue compte que le gros problème qui se retrouve chez pas mal de gens est de dessiner de mémoire ! Ici, c’est ce qui a plombé mon travail. J’ai voulu dessiner des îles, et dans ma tête, l’image mentale d’une île s’est formée. Je la fais donc selon mes connaissances ! Mais, elle n’est pas parfaite… ni finalement très ressemblante. Il manque des détails essentiels qui ajoutent à sa crédibilité : par exemple, la transparence de l’eau et le sable que l’on voit apparaitre sous l’eau, les reflets sur l’eau qui ne sont pas terribles, les sfumatos pour les îles lointaines. Bref, sans tout ça,  le dessin reste banal et bancal. Le procédé de la recherche est fondamental pour arriver à faire quelque chose de crédible. C’est comme dessiner un corps humain sans jamais s’être observé… ni avoir ouvert un bouquin d’anatomie ! Le dessin ne sera jamais transcendant…

Le site est ici : www.studio-caldeira.fr

L’autre chose, la plus importante, c’est, dès le début, de fixer un cahier des charges précis, des consignes réfléchies et un interlocuteur unique, qui rapporte la parole de tous. Sinon, on nage dans le brouhaha et on obtient rien  de bien. Voir une personne débarquer et tout foutre en l’air par plaisir n’est pas des plus agréables…

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