Odd Thomas, le manga !
J’adore fouiller, chiner et je ramène toujours chez moi des curiosités, que ce soit des livres ou des objets. J’aime d’autant plus ça lorsqu’il s’agit de bandes dessinées estampillées manga, sans qu’elles ne proviennent du pays du Soleil Levant. Ces hybrides sont appelées « global manga » s’ils sont d’origine allemande ou étasunienne, ou autre, voir « manfra » pour ceux créés par des français. Il s’agit de BD inspirées du graphisme nippon, des codes, de ses particularités de mise en scènes, de l’utilisation des trames… Dans mes cartons, par exemple, on pourra trouver le Parodi’z des feux éditions Asgard en l’an 2000. Mais ce n’est pas de celui-ci dont je vais vous parler mais d’un livre passé plutôt inaperçu. Je l’ai découvert à Noz, une chaine de magasins qui déstocke pas mal d’articles. Cependant, il reste encore disponible un peu partout sur la toile.
Le rouge sanguin de la couverture, le nom de l’auteur mangeant la moitié de la surface m’ont interpellée, suivit du titre et d’une accroche totalement mercantile. A l’intérieur, effectivement, une BD en noir et blanc, dans le sens de lecture occidental, sur environ 220 pages.
Odd Thomas, le manga Officiel, scénarisé par Kean Koontz et Queenie Chan, et dessiné par cette dernière possède la couverture la plus laide que je connaisse, ne rendant dans aucun des cas hommage au travail de ces deux artistes.
Le choix douteux de mettre une ombre chinoise d’un personnage de dos sur la première de couverture, est supplanté en terme de mauvais goût par la mise en valeur des différents éléments de typographie : le nom de l’écrivain Koontz (connu pour ses romans d’horreur, ces thrillers…) est plus gros que le titre et l’absence totale de celui de l’illustratrice, l’abaisse à une exécutante de bas-étages. Pourtant, elle n’est pas inconnue en France ni même aux USA, puisque The Dreaming a été publié en trois volumes chez Akileos.
On peut aussi noter l’absence d’un numéro de volume qui permettrait de savoir si on tient entre les mains un one shot ou si cette bd fait partie d’une série. Après lecture et recherches sur internet, il s’agit d’un premier volume sur trois, les deux autres n’étant jamais parus dans nos contrées… Le titre lui-même ne traduit pas l’original (In Odd we trust) ne donnant que le nom du personnage principal. Dommage, je trouvais qu’il apportait un petit quelque chose à l’histoire. Je suppose que ce changement cible les lecteurs des romans de la série Odd Thomas.
Bref, nous avons donc dans un format roman/manga/poche une BD avec en bonus des croquis, quelques pages du roman original, une postface et une rapide présentation des deux auteurs.
L’histoire se tient en un tome, et reste très très légère, naïve, complaisante (je ne connais pas le roman de base). Elle aurait gagné à être aérée sur deux volumes pour soulager des cases lourdes en bulles et rendre la lecture plus fluide, avoir le temps de s’attacher aux nombreux personnages, bref, de leur donner de la profondeur !
Odd Thomas, un jeune homme d’une vingtaine d’année, le menton long, est un grand bavard ( voir le nombre de cases où il explique son univers) qui raconte à tout bout de champ qu’il est cuisiner, spécialiste de pancake. Une tirade culinaire qu’il aime ressortir dans les pires situations, essayant de détendre les atmosphères tendues, mais qui malheureusement tombe à plat. En plus d’avoir la langue bien pendue, il possède deux atouts surnaturels : il peut voir les morts qui, par contre, ne peuvent pas communiquer autrement que par gestes et il peut reconnaître l’esprit d’une personne lorsqu’il l’a croisée une fois pour pouvoir le suivre de loin, tel un géolocalisateur !
Dans la modeste ville de Pico Mundo, située en Californie et pourvue de 40 000 habitants, il partage sa chambre avec le fantôme du King, Elvis !
L’histoire commence sur la rencontre entre Odd et un autre fantôme, celui de Joey, un enfant assassiné par un psychopathe, adepte du découpage de lettres dans les magazines pour composer ses lettres anonymes visant la baby-sitter de cet enfant dont il semble connaître parfaitement les habitudes. Avec l’aide de sa petite amie, Stormy (qui a envie de sortir son pétard à tout bout de champs), Odd va tenter de retrouver le tueur, avec l’accord des autorités locales, car le meurtrier menace maintenant d’autres gamins !
Bien que l’idée d’un thriller, de thèmes assez matures semblent séduisants, le fait que cela soit scénarisé par un écrivain ne rend pas cette bande dessinée inoubliable (un écrivain n’est pas un scénariste ; ce sont deux métiers différents, comme un illustrateur n’est pas un dessinateur de BD, même si de nombreuses personnes cumulent les deux postes). Tout y est très facile, les relations entre les personnages y sont à peine installées. Bref, ça va trop vite, c’est balancé, et je ne parle même pas du dénouement de l’affaire qui est d’un ridicule absolu !
Certaines choses ne sont pas éclaircies, comme le mannequin (en plastoc) dans la voiture dont on se demande encore pourquoi il est inclus dans le récit. Il apparaît tel un cheveux sur la soupe et puis, plus rien ! Il manque une réelle profondeur, tant au scénario qu’au personnage principal ; Odd est très parfait, trop lisse, trop sympa, trop cool… bref, il et agaçant et on aimerait le secouer. Les autres protagonistes sont, hélas, eux aussi assez creux. Je ne parle même pas de l’assassin dont le motif est bidon !
Le seul reproche que l’on peut faire au niveau du scénario, c’est l’extrême complaisance de la police envers les jeunes détectives amateurs. On leur file des infos, on les laisse un peu tout faire, c’est assez étonnant (même si le chef de la police locale est au courant des dons de Odd).
Graphiquement, le dessin accuse des raideurs dans les personnages, les problèmes de perspective et d’intégration. Les décors sont gérés sur un logiciel et ça se sent. Ce qui est un petit plus pour construire rapidement et jouer sur les points de vue se révèle hyper statique. Dommage, le visage de la baby sitter est sympathique, par contre ceux des autres personnes m’interpellent moins… La mise en scène n’est pas du tout mauvaise, on y retrouve de bonnes idées. Cependant, je dirais qu’il s’agit d’un récit de facture classique, qui ne va pas au-delà des codes du manga, qui ne les poussent pas plus loin. On pourrait même dire que cela est sans personnalité, alors que la dessinatrice a réalisé des travaux où elle s’engageait plus.
C’est un ouvrage qui reste agréable, se lit bien, possède une histoire qui dénote un peu avec le reste de la production « manga », mais qui ne restera pas dans les annales.
Odd Thomas, chez Music and entertainment books
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