Daisuke Ichiba à la galerie E²/Sterput

Si on ne m’avait pas prévenu, je ne serais jamais aller à l’exposition consacrée à l’artiste japonais Daisuke Ichiba située dans une galerie de Bruxelles.

Daisuke Ichiba est un dessinateur dont j’ai découvert le travail il y a plusieurs années par le biais d’un petit bouquin édité par l’éditeur poitevin : Le Lézard Noir. Ezumi présentait tout un ensemble de dessins, en noir et blanc, s’étalant en double pages, : des jeunes filles – muettes, figées, en souffrances- , des créatures, des plantes étranges dans des environnements étonnants, emprunts d’une sourde violence.

Une partie de ces thèmes, et bien d’autres,  sont développés et sublimés au sein des travaux récents de l’artiste présentés dans la galerie.

La galerie E²/Sterput proposait aussi, ce samedi,  une petite conférence animée par Pakito Bolino, imprimeur, artiste, organisateur d’exposition, et spécialiste du travail de Daisuke Ichiba.

Daisuke Ichiba, né dans les années 60, a construit son univers en mélangeant divers éléments de la culture japonaise, comme les estampes, le mangas, le quotidien (les uniformes scolaires, le cache œil…), l’érotisme, l’occulte et l’horreur… avec un graphisme « faussement » maladroit, mais terriblement maitrisé. Ces traits sont gracieux, élégants et fins. Sa touche, délicate. Beaucoup de personnes s’imaginent qu’il s’agit d’une femme, mais c’est un homme qui dessine et peint. Comme quoi, les clichés sur le dessin « féminin » et le dessin « masculin » ont la vie dure… Son travail prolonge le courant heta-uma qui prône la spontanéité d’une «maladresse virtuose»[1]. Avant d’exposer dans des galeries, il s’auto-publiait (pratique qu’il poursuit) et se vendait dans sa boutique de manga et vêtements d’occasion du quartier Koenji, mais de plus en plus d’éditeurs, principalement occidentaux, se penchèrent sur son travail[*].

Daisuke Ichiba se définit comme peintre de la beauté (binjinga-ka [2]), mais ces héroïnes sont loin de stéréotypes conçus par les occidentaux : malingres, malades, tristes, mélancoliques, statiques, blessées et à la limite du suicide. Les autres humains  apparaissent le plus souvent grotesques. Jeune, l’artiste éprouve de la fascination pour une peinture de l’imagerie bouddhiste, Kusôzu, «Neuf aspects d’un cadavre en décomposition», suite aux funérailles de sa mère et aux rencontres impromptues avec des cadavres animaliers en décomposition [*]. L’artiste nippon s’est façonné un graphisme et un style singuliers,  qu’il nomme lui-même nandemo ari, «ouvert à toute possibilité» [*].

«Pour moi, les écoles d’art ne font qu’imposer aux gens des carcans. Le dessin doit être un acte gratuit, vide de sens et entièrement libre.»[*]

Des sérigraphies :

Quelques livres :

Voici quelques unes des œuvres présentées, toutes à vendre :

L’exposition est visible jusqu’au 21 avril 2018.

Plus d’infos : www.galerie-e2.org/daisuke-ichiba-2/

Site web de Daisuke Ichiba.

[1] L’Heta-huma (littéralement lʼart du« mauvais-bon ») est un mouvement graphique japonais, initié au milieu des années 1970 par Teruhiko Yumura dans la revue Garo. Il qualifie une œuvre qui semble mauvaise, mal dessinée, sale , brut, mais qui révèle de véritables qualités. L’heta-huma s’oppose au style graphique des manga conventionnels et lorgne vers  des thèmes  plus underground.
[2] Le bijin-ga -peinture de belles femmes-, est l’un des genres les plus populaires de l’ukiyo-e, ayant pour but de représenter les plus belles, et parfois célèbres, courtisanes de l’époque Edo.
[*] Edit 21-03-2018 : Citations extraites de Daisuke Ichiba, L’art d’équilibrer les dissonances, de Xavier-Gilles Néret, publié par ArsenicGalerie, 2017. http://www.arsenicgalerie.com/edition/ et http://www.arsenicgalerie.com/aujourdhui/ (merci pour m’avoir indiqué que j’avais oublié les sources citées ! )






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